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04
juin
2018

La loi sur la réintégration des travailleurs longtemps absents divisent les acteurs concernés

Le 04 juin 2018 dans la catégorie Administratif & Droits
La loi sur la réintégration des travailleurs longtemps absents divisent les acteurs concernés

La politique "volontariste" du Gouvernement en matière de remise au travail des personnes malades sur une longue durée présente des points négatifs, mais aussi positifs. Chez les personnes diagnostiquées pour un cancer, “la part des reprises de travail à temps partiel est supérieure à la moyenne”, selon un récent rapport de l’Inami. Pas de formule magique non plus, pour reprendre son travail tout en se soignant au mieux, le travailleur doit aujourd’hui pouvoir compter sur une parfaite synergie entre le médecin, la mutuelle et l’employeur via son service RH, dans une optique de double “win-win”. Pour faire simple, il faut communiquer, une mission que l'asbl Travail & Cancer défend auprès des entreprises.

La vie des travailleurs longtemps absents va changer

Les entreprises peuvent désormais, dans certains cas, les rappeler pour leur proposer un trajet de réintégration vers un job adapté. Un séisme pour des milliers de Belges.

Auteur : Vincent Liévin pour le Magazine Moustique


Depuis plusieurs mois, le gouvernement Michel poursuit une politique de réintégration “volontariste” des malades longue durée. Et c’est peu de dire qu’elle divise. Les syndicats, les mutuelles, voire les patrons. C’est que l’exercice est risqué. En cas d’échec, des sanctions tant pour l’employé que pour l’employeur, mais dans une mesure nettement moindre, sont évoquées. De qui et de quoi parle-t-on exactement ? Actuellement, 400.000 Belges sont en congé de maladie de longue durée. Au quotidien, les grandes entreprises sont plus sujettes à l’absentéisme pour cause de maladie que les petites (moins de 5 travailleurs actifs). Peter Tuybens, directeur Acerta Consult, rappelle que chaque période de maladie, même longue, débute par une première journée. “Il est donc très important pour les employeurs et les dirigeants de faire preuve de vigilance à chaque annonce de maladie.” C’est qu’entre 2005 et 2015, le nombre de personnes malades depuis plus d’un an a augmenté de 80 %. Concrètement, aujourd’hui, le Belge est malade 2,7 jours de plus qu’il y a 10 ans.


Les maladies chroniques, les syndromes mentaux et les cas de burn out ont ainsi explosé. “Plus de 6 personnes sur 10 de 60 à 79 ans sont atteintes d’une maladie chronique”, selon des chiffres des Mutualités libres. Ces dernières années toutefois, l’âge ne représente pas le seul critère de décrochage. Les plus jeunes (30-40 ans) sont aussi frappés de plein fouet par des troubles psychiques (burn out, psychose, maladie mentale, schizophrénie, dépression…).


La maladie est désocialisante. La priorité est de redonner un travail à la personne malade lorsqu’elle est guérie même si on sait qu’elle ne revient pas à 100 % tout de suite.


Ces absences coûtent aux employeurs belges plus de 10 milliards d’euros. Selon la société spécialisée en ressources humaines Securex, ce montant se découpe en coût direct (3 milliards de salaires mensuels garantis) et “ le reste concerne des coûts indirects liés à la réorganisation du travail, aux frais de remplacement temporaire et d’heures supplémentaires”... Ces chiffres édifiants appellent une urgente humanisation du débat comme l’explique le Dr Elisabeth Pete, médecin du travail chez Attentia, un service externe pour la prévention et la protection: “La maladie est désocialisante. La priorité est de redonner un travail à la personne malade lorsqu’elle est guérie même si on sait qu’elle ne revient pas à 100 % tout de suite”. Selon elle, deux niveaux de soutien peuvent être apportés à la personne malade pour augmenter les chances de guérison et de retour: “Le malade doit d’abord garder le contact de manière informelle avec ses collègues. Par ailleurs, une procédure formalisée doit être implémentée dans l’entreprise. Il faut vraiment intégrer le bien-être au travail dans la vie de la société. Les employeurs ne se forment pas encore assez à cet aspect”. Car les chiffres sont éloquents: “Lorsque l’arrêt maladie est de 3 mois, 50 % des personnes reprennent leur travail au sein de leur entreprise et lorsqu’il est de 6 mois, moins de 10 % retournent sur leur lieu de travail”.


La maladie ne s’attaque pas au talent


Les employeurs ont donc tout intérêt à soutenir leur personnel selon Peter Tuybens, directeur Acerta Consult: “Le pays fait face à une pénurie sur le marché de l’emploi. Or, ces personnes, même en  difficulté plus ou moins temporaire, ont encore du talent”. D’où l’importance de pouvoir réactiver le plus grand nombre possible de ces malades de longue durée sur le marché de l’emploi. “D’autant que ces groupes de travailleurs comprennent des personnes qui saisiraient une nouvelle opportunité réalisable si elles y étaient encouragées.” La ministre de la Santé Maggie De Block abonde dans le même sens: “La réinsertion d’un travailleur est souvent l’option la plus facile et, pour l’employeur, la moins onéreuse, sans parler des aspects positifs à plus long terme pour les deux parties”. Car toute solution alternative, comme par exemple un nouveau recrutement, coûte de l’argent et du temps.


Pourtant, tous les employeurs ne s’impliquent pas dans un tel retour. Loin de là. Récemment, la Cour du travail de Bruxelles a condamné un employeur au motif qu’il n’a pas permis à l’une de ses travailleuses de réintégrer son poste avec un horaire adapté. En 2012, la plaignante, atteinte d’un    cancer, était restée deux ans en arrêt maladie. Son employeur avait refusé son retour progressif et lui avait signifié son C4. En appel, elle a obtenu gain de cause. Et l’équivalent de six mois de salaire brut, pour discrimination.


Sept travailleurs sur dix estiment que leur employeur n’a pas la volonté de leur proposer un travail adapté en cas de réintégration au travail.


D’autres cas de réintégration coincent, selon une récente enquête de la FGTB sur le personnel des titres-services qui nous apprend que 94 % des travailleurs souffrent de douleurs physiques. Pour le député fédéral PS Jean-Marc Delizée, tout le monde n’est pas réintégrable. “Mais cette étude montre que sept travailleurs sur dix estiment que leur employeur n’a pas la volonté de leur proposer un travail adapté en cas de réintégration au travail. La politique de réintégration ne va donc pas de soi.”
Côté pile, des réussites existent. a Dans l’ensemble, sur le terrain, aujourd’hui, ces trajets de retour semblent avoir le plus de succès auprès des personnes souffrant de maux de dos ou d’articulations. Près de 40 % d’entre elles reviennent au travail. Par contre, pour les problèmes d’ordre psychologique, ce pourcentage n’est que de 16 %, selon l’IDEWE, le plus grand service externe de prévention et de protection au travail en Belgique.


Les employeurs favorisés


Avec sa nouvelle loi, le gouvernement cible les malades qui sont absents depuis au moins 6 mois: sauf avis médical contraire, ils devront réintégrer leur entreprise qui devra leur trouver une fonction adaptée. Si l’entreprise n’y arrive pas ou si le malade refuse la nouvelle fonction, une sanction sera prononcée. Ce dernier pourrait perdre entre 5 et 10 % de ses indemnités. Du côté de l’entreprise, cela lui coûterait... 800 euros. Un montant que la Mutualité Chrétienne trouve évidemment “trop limité”. Pour les autres mutuelles et les syndicats, cette mesure envers les travailleurs est intolérable. Du côté de la FEB, le terme employé pour évoquer la mesure du gouvernement est “responsabilisation équilibrée”.

Au-delà de ces prises de position attendues, ces sanctions ne représentent pas la solution pour le Dr Pete: “Je trouve cela dommage. Au lieu de sanctions, il aurait été plus intéressant de mettre en place des incitants. La priorité, tant pour l’entreprise que pour le travailleur, c’est de trouver une solution au bien-être. La sanction peut avoir un effet inverse”.

L’autre sujet qui interpelle les différents acteurs concerne le double questionnaire “vers la réintégration” du malade: le premier après un mois d’arrêt maladie et le second après six mois. Suite aux réponses fournies par le malade, le médecin-conseil doit analyser, lors de l’évaluation de l’incapacité de travail, une réintégration professionnelle possible ou non. Un travail difficile et délicat dans le suivi pour ces médecins-conseil dont plusieurs sont débordés par ces dossiers, voire eux-mêmes en burn out. Pour reprendre son travail tout en se soignant au mieux, le travailleur doit aujourd’hui pouvoir compter sur une parfaite synergie entre le médecin, la mutuelle et l’employeur via son service RH, dans une optique de double “win-win”: le retour d’un employé motivé et une réduction des coûts maladie. Sans évolution des mentalités, les sanctions frapperont tout le monde. Et seule la maladie gagnera.


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ASBL Travail & Cancer: atelier coaching "Rebondir après un cancer" le 14/09/18