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11
février
2016

Elisa, plaidoyer pour une prise en charge du stress post-traumatique chez les jeunes patients

Le 11 février 2016 dans la catégorie Interview : Rencontre inspirante
Elisa, plaidoyer pour une prise en charge du stress post-traumatique chez les jeunes patients

Elisa, a eu une leucémie à 11 ans et un stress post-traumatique diagnostiqué plus de 15 ans après. Dans un témoignange sincère et émouvant, elle nous parle de l'importance de suivre ces jeunes patients dans "l'après".

Élisa, tu as été soignée pour une leucémie à l’âge de 11 ans, te rappelles-tu l’annonce du diagnostic ? Comment cela s’est-il passé ?

 Quand on me l'a annoncé, j'étais à l'hôpital depuis une semaine. Une semaine pendant laquelle, on m'a fait subir des tests et examens en tous genres. J'avais entendu filtrer des informations, mais aucun diagnostic clair ne m'avait été donné et moi, même si je me doutais de ce que je pouvais avoir, je continuais à espérer.

C'est la remplaçante de mon médecin (hospitalisée pour un accident, à l'époque) qui me l'a annoncée. Je me souviens que j'étais dans mon lit, j'avais très mal au dos à cause d'une ponction lombaire que j'avais subie quelques jours plus tôt et  je ne pouvais me lever qu'avec difficulté. Elle me l'a dit et de ma bouche, une question et un cri sont sortis. La question ? Est-ce que je vais mourir. Mon cri : je ne veux pas qu'on m'arrache mes cheveux. Je ne sais pas pourquoi j'ai dit ça, je savais, pourtant, que personne n'allait venir m'arracher les cheveux. 

Durant tes traitements à l’hôpital, tu as expérimenté des rencontres douloureuses, mais aussi heureuses, avec le personnel soignant. Avec le recul, quels conseils donnerais-tu aux hôpitaux pour accompagner au mieux les petits, et leurs parents ?

Je ne sais pas comment se passent les choses aujourd'hui, je ne sais pas si c'était, partout, pareil... Je sais juste qu'on en demandait trop à la préadolescente que j'étais. Je devais être forte, ne pas râler, ne pas pleurer, me laisser faire lorsqu'on me piquait 9 fois, pour me poser un baxter, alors que mes veines étaient en très mauvais état et je ne pouvais pas. Je n'ai pas eu l'impression d'avoir été traitée comme une enfant de 11 ans. Je n'ai, parfois, pas l'impression d'avoir été traitée comme un être humain tout court et ces (mauvais) traitements ont laissé des traces. 

Mon conseil serait, donc, de bien prendre conscience qu'une personne malade est toujours plus vulnérable et qu'un enfant, peu importe son âge, est vulnérable par définition. Un enfant a le droit de dire qu'il a mal, d'être réconforté, soutenu, écouté, entendu, pris en considération. Nous ne sommes pas, seulement, des organes, un ensemble de symptômes. Je trouve qu'il y a encore beaucoup de boulot à faire de côté là. 

En ce qui concerne les parents et les frères et sœurs, je pense qu'il est important de montrer un minimum d'empathie à leur égard ; d'essayer, un tant soit peu, de se mettre à leur place et  se montrer disponible, face à leur désarroi.  Répondre à leurs questions et interrogations quant aux traitements et aux conséquences. 

Comment as-tu grandi en laissant la maladie derrière toi ?

Avant la leucémie, j'étais une petite fille joyeuse, espiègle, drôle, qui n'avait peur de rien. La maladie m'a fait perdre ma joie de vivre et m'a accompagnée pendant une très longue période, bien après mon traitement, bien après les « cinq ans ».  Pendant très longtemps, je me suis sentie, à la fois, différente, honteuse, faible, invincible du fait d'avoir survécu et, paradoxalement, coupable d'avoir survécu alors que tant d'autres qui-s'étaient-montrés-plus-forts  étaient mort(e)s, eux (elles),.  Les mots « sang » ou « cancer » ne pouvaient être prononcés devant moi sans que j'en ressente un grand malaise. A 27 ans, j'ai appris que j'avais souffert d'un stress post-traumatique non diagnostiqué et encore moins pris en charge.

 Quand as-tu pu parler ouvertement des souffrances vécues ?

J'ai commencé à en parler, ouvertement, vers 28 ans, je dirais. Le diagnostic de stress post-traumatique a débloqué pas mal de choses et j'ai arrêté d'avoir honte. Évidemment, ce n'est pas un sujet qu'on peut placer dans toutes les conversations, mais avec les années, c'est devenu assez facile pour moi d'en parler et de me sentir légitime lorsque je dis que j'ai presque subi ce que je considère comme de mauvais traitements par le personnel soignant de l'hôpital où j'ai été prise en charge.

 Comment aurais-tu souhaité être accompagnée dans « l’après » ? 

J'aurais aimé que l'accompagnement dans "l'après" fasse partie intégrante du traitement, qu'il soit considéré comme normal et pas comme un extra ou pire, un luxe.  Mon enfance s'est terminée, abruptement, le 27 novembre 1992. J'ai été déscolarisée pendant près d'un an et lorsque je suis retournée à l'école, chauve, faible et déformée, on s'attendait à ce que je reprenne ma place là où je l'avais laissée, mais ce n'était pas possible. Je n'avais pas vécu la même chose que les autres préadolescents de mon âge. 

J'aurais aimé avoir une personne ressource qui m'accueille comme j'étais, qui me dise qu'il était normal que j'ai peur, que j'avais le droit d'avoir mal,  que j'avais le droit de montrer que j'avais mal, de pleurer, de ne pas aller bien. J'aurais eu besoin de quelqu'un qui réponde à mes questions sur la vie et la mort et sur le sens de la vie. J'aurais aussi aimé reprendre l'école, à temps-partiel, d'abord, le temps de m'habituer et  aussi un peu plus de compréhension  de la part du corps enseignant et un meilleur accueil de la part des élèves. Je n'ai rien eu de tout ça.  C'était vraiment du « oublie et avance » et moi, je ne pouvais pas, j'étais comme « figée «  dans ma tête.

Souvent, j'entends dire par des personnes adultes que le cancer les a sauvées ou que de voir la mort en face leur a appris à mieux profiter de la vie. Je pense que ce genre de façon d'appréhender les choses fonctionne pour les adultes à la personnalité formée, mais pas pour des  adolescents (quasi, dans mon cas) qui se posent déjà beaucoup de questions et qui doivent être guidés pour se construire. Il s'agit déjà d'une étape délicate quand tout va bien alors quand la maladie s'immisce ...

 Aujourd’hui, qu’est-ce qui te fait le plus de bien ? 

Mon fils de 4 ans que je considère comme mon miracle étant donné qu'avec mon traitement chimio, il n'était pas du tout sûr que je puisse devenir mère. 

Voyager, lire, écrire, danser, passer du temps avec les gens que j'aime, rencontrer de nouvelles personnes, échanger dans les langues que je connais (français-espagnol-anglais-italien), apprendre.
 
 
Propos recueillis par Magali Mertens pour Vie & Cancer