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"Que ta nourriture soit ta médecine, et ta médecine, ta nourriture", disait déjà Hippocrate, considéré comme le père de la médecine. Une compilation des recettes et d’études sur le sujet pour vous aider à bien garnir votre assiette.

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16
décembre
2015

"Anticancer" de David Servan Schreiber, place l'alimentation au coeur de la prévention et de la guérison de la maladie

Le 16 décembre 2015 dans la catégorie Alimentation
"Anticancer" de David Servan Schreiber, place l'alimentation au coeur de la prévention et de la guérison de la maladie

En 2007, le Dr David Servan Schreiber publiait "Anticancer". Dans cet ouvrage, le scientifique nous parle de sa propre expérience de malade et nous livre les clés de ses recherches sur la manière d'augmenter les défenses naturelles du corps en plus des traitements classiques, pour lutter efficacement contre le cancer. Dans un entretien pour Psychologie Magazine, il évoque les points essentiels de son ouvrage.

Interview de Violaine Gelly pour Psychologie Magazine

Avec "Anticancer", cherchez-vous à apporter une suite à "Guérir" ?

David Servan-Schreiber : Quand j’ai terminé Guérir, je croyais avoir dit tout ce que j’avais envie de dire et je ne pensais pas écrire un autre livre. Mais celui-ci s’est imposé à moi pour plusieurs raisons. En tant que médecin, chercheur et malade, j’ai ressenti comme indispensable de faire partager au plus grand nombre ce qu’il faut que chacun sache pour comprendre les mécanismes de santé qui sont à l’intérieur de nous. Et comment on peut les soutenir.

D’abord parce que j’avais pris assez de distance avec mon propre cancer pour avoir envie d’en partager l’expérience afin d’aider d’autres malades.

Ensuite parce qu’énormément d’informations sont parues, ces dix dernières années, sur le rapport entre nutrition et cancer ou sur les problèmes d’environnement, et que le moment semblait venu de les réunir pour les partager.

Enfin, parce que sont apparues des données scientifiques prouvant que le cancer est une véritable épidémie(« Epidémie » s'entend dans le sens de « nombre anormalement élevé de cas », et non de « contagion ») qui tue une personne sur quatre en Occident (Les sources de tous les chiffres cités dans l’interview sont disponibles dans Anticancer) et que l’on commence à en déterminer les causes.

Les causes du cancer sont donc connues ?

On a longtemps pensé que le cancer était avant tout une question génétique quasiment inévitable. Mais le fait même qu’il y ait une augmentation constante du nombre de cas montre que ce n’est pas uniquement cela, et qu’il existe une influence extérieure beaucoup plus liée à notre environnement et à notre mode de vie qu’à nos gènes. Le facteur génétique ne joue que dans environ 15 % des cas.

On est tous porteurs d’un cancer en puissance, c’est-à-dire que nous portons tous en nous des cellules cancéreuses qui pourraient se développer en un cancer. Et c’est notre mode de vie qui va déclencher ou non ce développement : va-t-il nourrir ce cancer ou nourrir les mécanismes du corps qui empêchent le développement des cellules cancéreuses ?

Est-ce une approche nouvelle pour les scientifiques ?

Depuis dix ans, oui. Les scientifiques ont vécu une immense avancée quand ils ont compris que l’on pouvait arrêter la maladie – même sans détruire les cellules cancéreuses – en empêchant le corps d’alimenter la croissance de la tumeur. Une révolution ! 

Au lieu de se limiter à attaquer les tumeurs de front avec les chimiothérapies ou les radiothérapies, ils ont découvert que l’on pouvait aider le corps dans sa lutte contre la tumeur, en l’empêchant par exemple de fabriquer les vaisseaux sanguins dont elle a besoin pour grandir. De cette révolution est née toute une série de recherches passionnantes afin de trouver comment aider au mieux le corps. 

Il existe en effet en chacun de nous des mécanismes naturels de défense contre le cancer qui sont considérablement affaiblis par notre mode de vie occidental et qui peuvent être renforcés en modifiant des choses assez simples : choisir ce que l’on mange, plus se dépenser physiquement, être vigilant sur l’environnement et être attentif à son être intérieur. 

L’alimentation serait, selon vous, l’un des éléments clés de la lutte contre le cancer ?

Je pense que c’est l’élément clé des raisons de son expansion. A partir du moment où une telle augmentation du nombre des cancers ne s’explique pas par une détérioration des conditions psychologiques des gens, il faut chercher ailleurs, dans d’autres changements de leur mode de vie. 

Or, que constate-t-on ? Depuis cinquante ans, trois choses ont changé de façon très significative : l’augmentation de notre consommation de sucre raffiné, l’utilisation des produits chimiques dans les engrais et les pesticides et le changement de nourriture des animaux d’élevage. Avant la Seconde Guerre mondiale, les vaches et les poules mangeaient de l’herbe ; depuis, elles mangent du soja et du maïs. Dans l’herbe, il y a des oméga-3 ; dans le soja et le maïs, des oméga-6. Or l’équilibre entre oméga-3 et oméga-6 contrôle tous les facteurs d’inflammation de notre corps.

Alors oui, quelque chose s’est passé qui explique l’épidémie.

N’est-ce pas anxiogène de comprendre que nos cancers viennent de notre assiette ?

Ce qui est terriblement anxiogène, c’est qu'aujourd’hui, en Occident, une personne sur quatre meurt d’un cancer, alors que ce n’est pas le cas ailleurs. Mais il est possible d’avoir un certain contrôle sur les facteurs qui contribuent à développer la maladie. Pour moi, le remède à l’anxiété est la maîtrise : je présente les moyens de cette maîtrise et chacun fait ce qu’il veut ensuite. Il ne s’agit pas de devenir des ayatollahs du bien-manger. Il s’agit de comprendre que certains aliments, comme le thé vert ou le curcuma créent de la santé dans notre corps alors que d’autres, comme le sucre raffiné ou la viande d’animaux mal nourris créent de la maladie.

 Nous serions donc responsables de nos cancers ?

Attention, ce n’est pas de la faute des malades s’ils ont un cancer. Jamais. Les vraies responsabilités de nos cancers appartiennent aux facteurs environnementaux et nutritionnels. Et là, personne n’est coupable. Nos modes de vie ont dérivé depuis la Seconde Guerre mondiale, parce que dictés par des intérêts financiers et de confort. Personne n’en avait imaginé les conséquences… En revanche, nous sommes responsables de notre lutte contre la maladie. Aujourd’hui, comme cela a été mon cas, ça n’a aucun sens de faire une chimio sans l’accompagner de ces approches naturelles démultipliant les capacités du corps à lutter contre l’inflammation qui nourrit les cellules cancéreuses. Rien n’empêche de boire du thé vert pendant que l’on fait une radiothérapie !

Le monde médical est-il réceptif à cette complémentarité ?

Les praticiens sont à la fois peu informés de ce discours et en même temps très intéressés. Les cancérologues avec qui je dialogue sont très ouverts. S’ils ne connaissent pas toutes ces approches, c’est parce qu’elles n’entraînent pas la création de médicaments.

Prenons un exemple : le curcuma est l’anti-inflammatoire naturel le plus puissant que l’on connaisse. Les Indiens qui en consomment plusieurs grammes par jour, parce qu’il entre dans la composition du curry, souffrent beaucoup moins de cancers, de maladies d’Alzheimer ou cardiaques que les Occidentaux. On peut parfaitement adopter le curcuma dans notre alimentation. Mais comme on ne peut pas mettre de brevet sur le produit, on ne peut pas créer de médicament. Donc il n’y a pas de congrès scientifiques médicaux permettant de diffuser l’information, pas de symposiums médicaux, pas de publicité dans les journaux médicaux, pas de programme de recherche de grande envergure… L’information n’arrive pas jusqu’aux cancérologues. 

J’aimerais que mon livre serve également à cela. J’ai d’ailleurs passé un accord avec mon éditeur [Robert Laffont, ndlr] pour qu’une partie des recettes de la vente du livre serve à faire avancer la recherche sur les approches naturelles de prévention et de traitement du cancer.

Mais comment lutter contre la pollution à notre petit niveau ?

Il n’y a qu’une seule façon radicale : changer nos techniques agricoles, faire en sorte que les vaches et les poules soient nourries d’herbe, ou au moins de graines de lin, pour que la viande, le lait, les œufs soient équilibrés en oméga-6 et oméga-3. Cela aurait des conséquences colossales sur la santé. Et la France est le deuxième producteur mondial de lin, on n’en manque donc pas ! 

Mais changer les habitudes prend du temps parce que les intérêts économiques en jeu sont énormes. Donc, en attendant, il vaut mieux manger des produits bio ou ceux qui portent le logo « Bleu-Blanc-Cœur ». Il ne faut pas pour autant que la prise de conscience de la nocivité des pesticides empêche les gens de manger des fruits et des légumes : les bénéfices sont très supérieurs à l’impact négatif des pesticides. Il vaut mieux manger des brocolis avec ces pesticides que ne pas manger de brocolis du tout ! Bien sûr, c’est mieux de manger des fruits et des légumes bio, mais ne nous privons pas d’en manger s’ils ne le sont pas ! Lavons-les et pelons-les, c’est tout. 

Existe-t-il un terrain psychologique qui favorise la progression du cancer ?

Scientifiquement, on commence à peine à comprendre comment les facteurs psychologiques jouent sur les mécanismes qui alimentent le cancer. Et nous avons de gros espoirs dans ce domaine. Il en existe principalement deux qui peuvent contribuer à la progression du cancer : d’abord les traumatismes, surtout quand ils viennent raviver une douleur déjà éprouvée, notamment dans l’enfance ; ensuite, le sentiment que l’on peut avoir de passer à côté de sa vie. Dans ce cas, la méditation freine l’inflammation des cellules cancéreuses. Cinq minutes par jour suffisent au début. D’abord parce qu’elles nous permettent de reprendre contact avec nous-même. Ensuite parce que, une fois prise, cette habitude de méditer finira par imprégner toute notre journée.

Un peu comme l’activité physique ?

Exactement. Ce qui est important, ce n’est pas la pratique assidue d’un sport, mais une simple activité physique régulière. Ainsi, les femmes qui marchent cinquante minutes par jour, cinq fois par semaine font deux fois moins de rechutes après un cancer du sein. Il ne s’agit pas d’aller passer un mois par an dans un monastère tibétain ou d’aller à la salle de gym trois heures par jour, mais de faire en sorte que l’activité physique ou la méditation fassent partie intégrante de notre vie. Quand on prend l’habitude d’écouter un petit peu cette flamme de vie qui brûle dans notre poitrine, on se met à la sentir un peu tout le temps.

Si je fais tout ça, suis-je sûre de ne pas avoir de cancer ?

Malheureusement, il n’y a pas de certitudes en médecine. Nous savons simplement que des populations entières, qui vivent selon un mode « anticancer » ont de sept à soixante fois moins de risques de développer un cancer que nous en Occident. On sait aussi que lorsqu’ils en développent un, leur risque d’en mourir est beaucoup plus faible. Ce sont ces atouts qu’il faut mettre de notre côté.

Dans ce livre, vous parlez pour la première fois de votre cancer. Pensez-vous que cette maladie a été une « chance » pour vous ?

C’est compliqué de dire cela parce que je ne le souhaite à personne. Mon rêve serait que les gens puissent saisir les leçons de mon expérience sans avoir besoin d’affronter le cancer. Mais d’une certaine façon, bien sûr, ce cancer a été une chance pour moi. Aujourd’hui, ce n’est plus pour lutter contre une éventuelle récidive de ma maladie que j’applique ce mode de vie. Je l’applique parce qu’il m’apporte de la joie, de l’énergie, de la sérénité.

Vivre « anticancer », c’est vivre pleinement, dans la lumière. Je vis ma vie, je suis heureux, j’ai le sentiment d’être utile. J’ai compris, grâce à la maladie, qu’elle s’arrêtera un jour. Mais ce n’est pas très grave si elle a été heureuse et si j’ai su lui donner du sens.